Rappel des principales libertés fondamentales dont jouit le salarié : la liberté d’expression, la liberté d’ester en justice, la liberté de témoigner, la liberté liée au respect de la vie privée
Toute atteinte à l’exercice d’une liberté fondamentale est sanctionnée par la nullité du licenciement ; Mais plus encore il suffit qu’un seul des motifs énoncés dans la lettre de licenciement repose sur l’exercice d’une liberté fondamentale - ou même se réfère à une telle liberté - pour que la nullité du licenciement soit encourue, peu important que les autres motifs énoncés dans la lettre soient établis. C’est la notion de « motif contaminant ».
• Liberté d’expression :
Dans sa décision du 29 juin 2022, qui portait sur la liberté d’expression d’un salarié, la Cour de cassation a jugé dans un attendu de principe :
« Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement. »
Les autres motifs « contaminés » ne rentrent donc pas dans le débat pour tenter d’établir la réalité et le sérieux du motif du licenciement.
Ils peuvent néanmoins avoir un intérêt, celui d’être pris en compte dans l’appréciation des dommages et intérêts. En effet, on rappellera que l’article 1235-2-1 du code du travail (applicable depuis le 24 septembre 2017), prévoit que :
« En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l'un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l'évaluation qu'il fait de l'indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l'article L. 1235-3-1. »
L’arrêt du 29 juin 2022 rappelle également que la seule limite à la liberté d’expression est l’abus qui se caractérise par la diffamation, l’injure ou le caractère excessif des propos tenus par le salarié. Si la notion de diffamation et celle d’injure répondent à des définitions légales, le caractère excessif ne répond pas à une définition stricte et tout est affaire de contexte.
Dans le cas cité, il s’agissait d’un ingénieur adjoint au directeur technique qui avait été licencié notamment pour avoir porté de très graves accusations de corruption et concernant la sécurité du site, en mettant ouvertement en cause son supérieur hiérarchique et le groupe. Deux constats de la Cour d’appel sont repris par la Cour de cassation : il n’y avait aucun abus dans ses propos et le salarié avait déjà alerté sa hiérarchie sur les points évoqués, trois semaines avant d’écrire au Président du directoire. La décision, aurait-elle été différente si le salarié n’avait pas alerté sa hiérarchie quelques jours avant ? Rien n’est moins sûr.
Il convient donc d’être très vigilant sur la rédaction de la lettre de licenciement en privilégiant d’étayer les motifs qui ne craignent pas la censure de la nullité. Cass soc 29-06-2022 n° 20-16060
• Ester en justice :
Pour preuve, dans un autre arrêt rendu le 28 septembre 2022, la liberté fondamentale d’agir en justice est en cause :
A l’occasion d’une action en justice intentée par un salarié à l’encontre de son employeur, ce dernier constate que le salarié (toujours en place au sein de l’entreprise) avait produit dans sa plainte des bulletins de paye d’autres salariés, dont il avait eu connaissance de manière frauduleuse et déloyale selon l’employeur qui licencie le salarié sur le champ, pour faute grave.
La cour de cassation infirme l’arrêt de la cour d’appel « qui devait en déduire que la seule référence dans la lettre de rupture à la procédure contentieuse engagée par le salarié contre son employeur était constitutive d’une atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice. » Cass soc 28-09-2022 n° 21-11101
La lettre de rupture peut ainsi devenir le début d’une longue histoire si elle n’est pas justement formulée.
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